ÉTAT DE LA CORSE EN 1820.

ÉTAT DE LA CORSE EN 1820.

Au sein de la Méditerranée, entre l'Italie et la Sardaigne, à la vue des côtes de France, sur le chemin du Levant, et non loin de
l' Afrique, est une île que la Nature a comblée de tous ses dons :
climat doux et varié, où l'on trouve, dans la même saison, des latitudes différentes.

Sol riche et vigoureux, qui ne se refuse à aucune culture et où naissent sans peine le mûrier, les tabacs, le coton, la garance, l'indigo et la canne à sucre, enfin, toutes les productions des Antilles.

Plaines fécondes, où flottent des moissons abondantes, où se récoltent d'excellents légumes, et où, sur quelques points, la culture du riz ne serait pas sans avantages.

Côteaux riants et fertiles que le grenadier, la vigne, des bois d'oliviers, d'orangers, de citronniers, se plaisent à embellir, et où mûrissent des fruits exquis sous l'influence d'un soleil toujours propice.

Vallons qu'ombragent de superbes châtaigniers, qui remplacent, pendant l'hiver, la nourriture que l'on tire des céréales.

Montagnes couronnées jusqu'à leurs sommets les plus élevés de hêtres , de sapins et de pins larix, suffisantes pour la Marine d'un peuple nombreux et commerçant, qui couvrirait les mers de ses vaisseaux.

Voilà le faible aperçu des productions de cette île, aperçu qui indiquerait à peine tout ce que cette île pourrait donner de richesses, si l'industrie agricole y avait développé toutes ses ressources, tous ses secrets.

La nature minérale y est aussi belle et étonnante:
De hautes montagnes forment le noyau de l'île, et s'étendent de tout côté par d'immenses ramifications.

Là des blocs énormes de granit, le serpentin, l'azur, le vert antique, le jaspe, la pierre orbiculaire, se rencontrent à chaque pas.

Les musées de France et d'Italie, la Chapelle des Médicis à Florence, renferment des échantillons qui témoigne de notre richesse en ce genre.

Les eaux thermales du Fiumorbo et de Vico, les eaux légèrement acidulées d'Orezza, arrêtent les maladies dans leur germe, et les domptent souvent dans leur progrès.

La mer y dépose naturellement sur son rivage un sel blanc de la meilleure qualité, et cependant les salines détruites par les génois n'existent plus maintenant qu'à Porto Vecchio.

Si l'on Fouille le sein de cette Terre après en avoir parcouru la surface, on y trouvera des carrières du plus beau marbre, des mines de fer, de cuivre et même d'argent.

Ainsi dans les deux régnes de la nature morte et de la nature organisée, mais privée de sentiment, cette île n'a rien à envier aux autres peuples.

La nature animale est ni moins varié, ni moins féconde.

Pêches abondantes fournies surtout par trois fleuves : Golo, Liamone et Tavignano, qui prennent leur source dans les lacs d'Ino et de Creno, et par une mer inépuisable en poissons, et riche en coraux rouges et noirs.

Abeilles, dont les produits en miel et en cire constituaient autrefois une des principales richesse des habitants, et formaient le tribut qu'ils payaient à Rome.

Chasses productives de perdrix, faisans, bécasses, grives et merles exquis, aussi bien qu'en quadrupèdes, tels que le sanglier, le cerf ou le mouflon que le Pline français croit être la souche primitive de toutes les brebis.

Étangs précieux par la quantité d'huitres qu'on en tire.

Animaux domestiques de races et de qualités admirables.

Tout s'y trouve, quoique sous des formes moins développées, mais non moins élégantes que sur le Continent.

L'homme enfin, et ce doit être là notre principale étude, l'homme s'y montre dans toute la pureté de son caractère primitif :
Bon, généreux, indépendant, hospitalier, sensible également au bienfait et à l'outrage.

Terrible dans la colère, mais l'attendant sans aller vers elle.

Franc dans sa haine comme dans son amour.

Inexorable contre l'offenseur obstiné, mais tendant la main à l'ennemi vaincu ou repentant, et déposant tout désir de vengeance lorsqu'il a prononcé le pardon.

Ce n'est point ici un portrait de fantaisie, éclos du cerveau d'un poète ou d'un romancier.
Cette île, ce peuple existent tels que je viens de les peindre.
C'est la Corse, ce sont ses habitants.

Titre : État actuel de la Corse ; caractère et moeurs de ses habitans ; par P.-P. Pompéi...
Auteur du texte : Sebastiani, Horace (1772-1851).
Auteur : Pierre-Paul Pompéi-Paoli.
Éditeur : Kleffer (Paris)
Date d'édition : 1821

Photo : Augustin Chiodetti

 

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