Cugnuculu-Muntichji.

Le nom est tellement exotique qu’il effraie le visiteur continental dès la première lecture. Et la version toscane, Cognocoli-Monticchi, n’est pas beaucoup plus rassurante.

Juste un village de granit de la basse vallée du Taravu, niché dans un écrin de chênes, d’arbousiers et de maquis inextricable.

Un village de cette tarra di i signori dont se rappellent les historiens à cause d’une des plus sanglantes révoltes paysannes au XIIe siècle.

Terre natale de Rinatu Coti, infatigable militant de la langue corse et du parler du Sud et... village d’origine de l’actuel Premier ministre Bernard Cazeneuve.

Muntichji est, depuis la fin de la dernière guerre mondiale, un village abandonné.

Un sentier pédestre part d’en-dessous de l’église Saint-Nicolas de Cugnuculu. Un autre de Pila-Canali.

Le seul accès aux véhicules est une méchante piste, à peine carrossable, débouchant sur la route de Pratavone.

Dix minutes d’ornières, de pierres assassines pour les carters et de terres ravinées par les pluies que seuls empruntent les chasseurs et les amoureux de solitude.

Au terme de ce purgatoire routier, le souvenir d’un morceau de paradis : soudain, surplombant l’Impenatu, le principal affluent du Taravu, les grandes maisons de pierres sèches apparaissent derrière un virage.

Témoignages de ces bâtisseurs qui assemblaient des blocs de granit apparemment inconciliables pour en faire un mur qu’aucun fil à plomb ne pourrait prendre en défaut.

VIllage en ruine de Muntichji.

Photo Michel Luccioni
LUCCIONI Michel

Une des très belle bâtisse malheureusement en ruine.

 


Les fours à pain, les terrasses qui continuent de résister à la ronce et aux racines de figuiers, tout témoigne d’un passé prospère.

La fontaine du bas du village est envahie par les ronces mais coule toujours.

Désert depuis cinquante ans

Au centre du hameau, sur la placette autour de laquelle les maisons s’étagent, la chapelle Saint-Vincent a été rénovée il y a deux ans.

La petite église date du XVIIe siècle. Sobre, presque austère, elle abrite encore une statue du saint patron des vignerons.

« Muntichji, c’était un jardin.

Tout poussait : la vigne, les arbres fruitiers, les oliviers, les légumes, les noisettes », rappelle Rinatu Coti dont la famille est originaire du hameau.

« Dans les années 30, ils avaient fait venir l’électricité publique, «u lumu».

On avait même commencé à construire une route à flanc de colline, il n’en reste qu’un pont de pierre qui part de nulle part et ne va nulle part ».

Avant la seconde guerre mondiale, Muntichji était très peuplé.

« Il y avait 70 électeurs. C’est un chiffre que l’on peut multiplier par deux et demi puisque les femmes et les enfants ne votaient pas », précisent-ils.

Pas loin de deux cents habitants donc. Qui se sont réduits à deux irréductibles au début des années 60.

« Il y avait encore Cecchina, Françoise Santoni. Ma mère descendait à pied pour lui faire ses piqûres », se remémore le maire.

« Il y avait aussi Vincent Coti qui est resté l’un des derniers », complète Francine Moret.

L’âge a fini de vaincre ces deux résistants qui ont quitté le hameau pour s’installer quelques kilomètres plus loin, à proximité d’une route, dans des maisons où l’électricité et l’eau courante n’étaient pas qu’un lointain espoir.

« Il y avait de nombreuses familles, les Coti, les Leoni, les Colonna, les Casamarta, les Leccia. Les maisons leur appartiennent encore.

La plupart sont originaires de Canali. A pied, c’est plus près que de Cugnuculu. Mais certains ont des attaches à Bisinà, d’autres à Cauro ».

 

Source : article d'
Luccioni Michel.
 

 

 

 

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