PASCAL PAOLI DE PONTE NOVU À PORTVEGHJU. 9 MAI 1769.

PASCAL PAOLI SUR LES CHEMINS DE L'EXIL :

PASCAL PAOLI DE PONTE NOVU À PORTVEGHJU. 9 MAI 1769.

9 mai 1769 :

Les eaux du Golo, rougies du sang des patriotes, emportent, dans leurs tourbillons, l'ultime rêve d'indépendance de la Corse.

Pascal Paoli, qui a vu ses milices écrasées à Ponte-Novo, se replie sur Corte, tandis que l'armée royale poursuit sa marche victorieuse sous le commandement de M. de Vaux.

Dans la capitale de l'île, où la nouvelle du désastre a jeté la consternation, le général réunit ses lieutenants pour leur annoncer sa ferme intention de continuer la lutte.

Beaucoup se déclarent prêts à le suivre ; certains se montrent pourtant résignés ou réticents.

Les Français, auxquels se sont joints de nombreux insulaires, ne tardent pas à occuper Omessa et Francardo.

L'un des chefs corses, François-Antoine Gaffori, dont dépend la défense de Corte, conseille vivement à Paoli de capituler, mais celui-ci décide de se retrancher dans la région de Vivario pour faire face à l'ennemi.

« Si votre Excellence part pour Vivario, lui dit Gaffori, je ne peux, par ma résistance, provoquer la ruine de la ville », signifiant par là que son parti est pris et qu'il s'y tiendra.

Contraint par les événements, le général acquiesce et le laisse maître de la place, invitant même la population à lui obéir.

Après la reddition de Corte, la plupart des pièves font leur soumission.

Le Fiumorbo, cependant, tient en échec les troupes que le comte de Vaux a envoyées pour couper toute retraite aux Nationaux.

Changeant de tactique, les détachements français se dirigent vers Vivario afin d'encercler le général et ses partisans.

L'angoisse au cœur, Paoli se résoud alors à l'exil.

Dans une lettre datée du 9 juin, son secrétaire, Annibal Rostino, relate en ces termes les derniers instants de l'héroïque combat pour la liberté :

« Mon cher frère,

Je me hasarde à vous transmettre la présente par l'intermédiaire d'un des nôtres que nous espérons faire passer cette nuit par la partie la plus escarpée de la montagne, pour qu'il nous ménage les moyens de nous embarquer si nous parvenons à nous dégager.

Nous sommes, ici, au nombre de 537, entourés de plus de 4 000 Français.

Notre général ne s'est jamais montré plus grand ; il nous anime et nous console continuellement.

Hier, il est monté sur une petite éminence au milieu de notre camp et nous a fait le discours que je vous envoie ci-joint.

« Nous sommes tous décidés à mourir les armes à la main si nous ne réussissons pas à aller dans les pays étrangers attendre que de meilleures circonstances puissent relever nos espérances et nous rendre à la patrie. »

La harangue du général témoigne à la fois de son courage et de sa noblesse d'âme :

« Enfin, mes braves compagnons, nous voici réduits aux dernières extrémités.

Ce que n'ont pu une guerre de trente années, la haine envenimée des Génois et les forces de diverses puissances de l'Europe, la soif de l'or l'a produit.

Nos malheureux concitoyens, trompés par quelques chefs corrompus, sont allés d'eux-mêmes au-devant des fers qui les accablent.

Notre heureux gouvernement est renversé, tous nos amis sont morts ou prisonniers, et à nous qui avons le malheur de vivre jusqu'à aujourd'hui pour voir la ruine de notre pays, il ne nous reste que la triste alternative de la mort ou de l'esclavage. Pourriez-vous vous résoudre, pour retarder ce moment extrême que nous devons tous subir, à devenir esclaves d'un peuple d'injustes oppresseurs ?

Ah ! mes chers amis, rejetons loin de nous cette honteuse pensée.

L'or ni les offres brillantes des Français n'ont pu m'éblouir, leurs armes ne m'aviliront point.

Après l'honneur de vaincre, il n'est rien de plus grand qu'une mort glorieuse.

Il ne nous reste donc qu'à nous frayer un chemin, le fer à la main, à travers nos ennemis, pour aller attendre ailleurs des temps plus heureux et conserver des vengeurs à la patrie, ou terminer notre honorable carrière en mourant glorieusement comme nous avons vécu. »

Paoli dit un jour :

« Si Sampiero avait vécu de mon temps, la délivrance m'eût coûté moins de peine...

Nous nous serions partagé cette noble tâche.

Pendant que je travaillais à un code, qui répondît aux mœurs et aux besoins du pays, sa vaillante épée aurait défendu l'œuvre commune ».

Protégés par Abbatucci qui, avec de sérieux renforts, a réussi à barrer la route à M. de Narbonne et à ralentir l'avance des soldats de M. de Vaux, le général et sa suite s'acheminent vers Bastelica.

Leur arrivée dans le village de Sampiero Corso déchaîne l'enthousiasme des habitants demeurés fidèles à Paoli.

Ce dernier songe à une action contre les Français, mais soucieux d'épargner à son pays de cruelles épreuves, chasse vite cette idée de son esprit.

Par Zicavo, Quenza, Zonza et Levie, l'escorte gagne enfin un cap à quelques milles de Porto-Vecchio.

Ancrés dans le golfe, deux vaisseaux battant pavillon anglais, le Vermouth et le Rachel, attendent le moment propice pour faire voile avec les exilés.

 

Pendant ce temps, au prix de grands dangers, Charles-Marie Bonaparte se réfugie à Ajaccio avec son épouse Letizia, alors enceinte de Napoléon.

Le 13 juin, Paoli s'embarque secrètement sur une felouque avec le jeune Masseria.

Le Vermouth appareille au même moment, rejoint la felouque en pleine mer et les prend à son bord.

« En quittant Porto-Vecchio, rapporte un mémorialiste, le capitaine du vaisseau anglais qui renfermait Paoli, se vit forcé de répondre aux bâtiments français, qui lui firent les questions usitées : on l'appela à l'obéissance ;

- le capitaine s'excusa, disant qu'il conduisait un seul passager, qui retournait en Toscane :

« M'assurez-vous que cela soit ainsi ? » insista le capitaine français.

« Oui, lui cria l'Anglais, foi de franc-maçon. »

De Vaux écrivit à Choiseul que Paoli s'était dissimulé dans le navire anglais « dans le doublage duquel on avait pratiqué une niche où il resta caché tant qu'il fut à portée du chébec du Roi mouillé dans le port »

Dès l'entrée du Vermouth dans le port de Livourne, tous les navires britanniques hissent le grand pavois en l'honneur de Paoli et le saluent de leur artillerie.

Malgré la pluie qui tombe à verse, une foule considérable accourt de toutes parts pour acclamer le Paladin de la Liberté.

Auteur du texte : Dominique Colonna.

Le Vrai visage de Pascal Paoli en Angleterre.

Source : Gallica. BNF.

 

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