LE RETOUR DES OSSEMENTS DE PASCAL PAOLI À MOROSAGLIA.

LE RETOUR DES OSSEMENTS DE PASCAL PAOLI À MOROSAGLIA.

 

 

Le 4 septembre 1889, le cercueil renfermant les cendres de Pasquale Paoli arrive à l’Isula Rossa sur le Comte Bacciocchi, bâtiment de la compagnie Valery.

 

Sur le port, la foule affluant de tout l’arrondissement, traduit l’importance de l’événement.

 

La présence de nombreuses personnalités dont l’Evêque de Corse Mgr de La Foata, et du Préfet de la Corse, souligne la solennité de l’instant.

 

Pasquale Paoli, « capo generale » de la nation de 1755 à 1769 et décédé à Londres en 1807, retrouvait enfin le sol natal.

 

Transportée dans l’église de la ville où l’attendait l’Evêque assisté de nombreux prêtres, la dépouille y demeure jusqu’au 6 septembre avant d’être transférée à Morosaglia pour y être déposée dans la chapelle de la maison de la Stretta où le général a vu le jour le 6 avril 1725.

 

Symbolique autant que politique, ce retour enracine le héros dans son environnement naturel, mais également dans la mémoire collective, traversant l’Histoire de la monarchie de Louis XV à la IIIe République de Sadi Carnot, premier président à effectuer un voyage triomphal en Corse en 1890.

 

Dans son discours prononcé à l’Île Rousse, le préfet rend hommage à tous ceux qui ont rendu possible ce rapatriement :

 

« Au nom du gouvernement de la République, je salue respectueusement les cendres de Pascal Paoli au moment où elles rentrent sur le sol natal après un exil immérité de 82 années.

Je ne m’attendais pas au grand honneur qui m’échoit aujourd’hui, mais laissez-moi vous dire que je n’en étais pas tout à fait indigne, car bien longtemps avant de débarquer dans l’île, je connaissais l’histoire nationale de la Corse ;

je savais qu’aux heures les plus critiques, la nation avait confié le soin de ses destinées à un homme à peine âgé de 29 ans et que cet homme, tout à la fois, général victorieux, administrateur incomparable, magistrat éminent, avait mérité les titres de régénérateur de la Corse et père de la Patrie. »

 

L’opération de transfert a fait l’objet d’un rapport du Chanoine Saliceti, délégué de la commission spéciale chargée de la translation des cendres.

 

Dès 1865, des Corses établis à Londres, les frères Casabianca sont les premiers à lancer l’alerte : le tombeau de Paoli à Saint-Pancrace risquait d’être détruit en raison du tracé d’une ligne de chemin de fer.

 

Pareille situation émut la Corse toute entière comme le souligne le Chanoine Saliceti.

 

« Le tombeau fut respecté, mais une vague d’inquiétude avait saisi le pays.

Cette inquiétude se manifestait par de nombreuses pétitions.

Celle que le Conseil municipal de Morosaglia adressa au Conseil général émut l’assemblée.

A la session d’août 1873, une commission fut nommée ; une souscription fut ouverte, des sommes furent recueillies pour ramener au sol natal les cendres du général Paoli et « élever à Morosaglia, un monument pour les recevoir ».

 

 

Le geste émouvant de l’Impératrice Eugénie.

 

Pour légitime qu’il soit, ce projet du retour des cendres sera ajourné plusieurs fois par de sérieux obstacles financiers.

 

Une première somme jugée insuffisante fut bloquée en 1874, l’affaire sera reprise en 1882, mais les résolutions prises par le Conseil général ne purent aboutir.

 

Il faudra attendre la séance du 22 septembre 1887 pour qu’une pétition conduite par M. Vincentelli, ancien avoué, parvienne à débloquer la situation en :

 

« adjurant le Conseil et chacun de ses membres de ne pas encourir la lourde responsabilité de négliger de rendre ce suprême hommage à Paoli qui fit de notre chère Corse une nation... »

 

L’opération est lancée : on active le financement du transfert des cendres sans engager le financement d’un monument, on restaure l’oratoire faisant partie de la maison des Paoli à la Stretta di Morosaglia, dont le propriétaire n’est autre que M. Franceschini-Pietri, petit-neveu de Paoli.

 

Lors de la séance du 18 avril 1888, le Chanoine Saliceti apporte au Conseil de la part de M. Franceschini-Pietri, l’engagement écrit de sa main :

 

« de céder au département, pour l’usage qu’on se proposait d’en faire, non-seulement l’oratoire, mais la maison Paoli toute entière avec ses dépendances et le jardin contigu ».

 

Londres, on procède aux formalités grâce notamment au cardinal Manning.

 

Les pompes funèbres britanniques mettent un point d’honneur à faciliter le transfert, suivant l’illustre dépouille jusqu’à Calais, où le cercueil et les marbres sont placés dans un wagon spécial dont la commission spéciale détient la clef.

 

« Mais de tous ces témoignages d’admiration pour notre Héros et de sympathie pour la Corse, aucun n’a touché plus profondément les membres de la Commission, qu’une simple couronne posée sur le cercueil par une main pieuse et portant cette inscription :

 

« Au grand patriote corse, Eugénie. »

 

Le convoi ferroviaire arrive à Marseille le 3 septembre.

 

« Nous fûmes salués, en entrant en gare, par de joyeuses acclamations :

  • c’étaient des Corses habitant Marseille et les environs ;
  • c’étaient les délégués des Corses accourus de Toulon.
  • Ils poussaient des hourras ;
  • ils agitaient des bannières ;
  • ils présentaient des couronnes en versant des larmes. »

                                                                                                        Un cortège funèbre se forme et avance dans les rues sous la bannière à tête de maure.

 

Les voitures se rangent pour le laisser passer.

 

Dans le port, les navires sont pavoisés.

 

Le lendemain à l’Ile Rousse :

 

« toute la ville était sur pied : l’accueil fut tel que la Commission l’avait deviné, quand elle avait, dès l’abord, choisi ce point de débarquement ».

 

Sur la route de Morosaglia, la dépouille de Paoli a dû faire halte à Belgodere, pays de Buonfiglio Guelfucci, puis à Palasca où reposent des descendants du général, avant de rejoindre Ponte-Leccia.

 

À la tombée de la nuit, l’escorte composée de cavaliers et de marcheurs parvient à Morosaglia où des centaines de bougies brillent aux fenêtres.

 

« Tandis que d’un côté on psalmodie sur un ton plaintif des chants funèbres, de l’autre on pousse en choeur de retentissants vivats qui, se répercutant dans les rochers de San-Petrone, portent l’heureuse nouvelle dans les nombreux villages. »

 

L’illustre cercueil déposé dans l’église du couvent, sera veillé toute la nuit.

 

Le lendemain, il sera porté à bout de bras jusqu’à la maison natale

« au milieu d’un beau désordre où l’on se dispute l’honneur de partager le glorieux fardeau ».

 

Le 8 septembre, on procède à la bénédiction du sanctuaire en célébrant une messe d’action de grâces.

 

Le mandat que le Conseil général avait donné à la Commission spéciale prenant fin, chacun se retire avec le sentiment du devoir accompli.

 

Translation de Londres à Morosaglia des cendres du général Poli. Imprimerie Pompeani. 1890.

 

Source : Corse Matin Par J-P. GIROLAMI.

 

Photo : Jean Krausse.

 

Merci à Andrea Meloni

 

 

 

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