LE SALON DE LA PRINCESSE MATHILDE, RUE DE COURCELLES.   GIRAUD Charles (1819 - 1892) © Photo RMN-Grand Palais - G. Blot / C. Jean

LE SALON DE LA PRINCESSE MATHILDE, RUE DE COURCELLES. GIRAUD Charles (1819 - 1892) © Photo RMN-Grand Palais - G. Blot / C. Jean

LE SALON DE LA PRINCESSE MATHILDE.

 

Régime décrié depuis la défaite de Sedan qui l’a mis à l’index de l’Histoire, le Second Empire n’en reste pas moins une période de profondes mutations économiques, sociales et culturelles.

Napoléon III a véritablement jeté les bases d’une économie moderne : la révolution industrielle, la révolution des transports, la révolution bancaire, marquent une nette rupture avec les règnes précédents.

Signe tangible de la prospérité engendrée par ces transformations fondamentales, la vie sociale et culturelle est d’une intensité et d’une richesse inégalées.

Le faste calculé de la vie de la cour aux Tuileries, à Fontainebleau ou à Compiègne confère une apparente légitimité à ce règne issu d’un coup d’État, mais, à côté de cette « fête impériale » permanente, bon nombre de salons officiels se distinguent par la splendeur de leurs réceptions, notamment ceux du comte Walewski au ministère des Affaires étrangères et du duc de Morny, président du Corps législatif, à l’hôtel de Lassay, pour ne citer que les plus célèbres d’entre eux.

Les salons diplomatiques ne sont pas en reste : les fêtes données par le prince de Metternich à l’ambassade d’Autriche, celles de lord Cowley à l’ambassade de Grande-Bretagne, voient se côtoyer les personnalités les plus marquantes de la haute société de l’époque.

 

L’activité festive de ces salons connaît un regain d’intensité avec les bals costumés remis à la mode au moment du carnaval.

 

Quant à l’élite intellectuelle et artistique, elle préfère fréquenter les soirées littéraires et musicales que le comte Émilien de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts, donne chaque vendredi dans son appartement du Louvre, pendant toute la durée du carême.

 

Enfin, nombre d’artistes, d’hommes de lettres et de savants répondent aux invitations de la princesse Mathilde, cousine germaine de l’empereur, qui les reçoit dans son hôtel de la rue de Courcelles ou dans sa résidence d’été de Saint-Gratien.

 

Fille de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, et de la princesse Catherine de Wurtemberg, la princesse Mathilde (1820-1904) était la nièce de Napoléon Ier.

Elle passa les premières années de son enfance à Rome et faillit épouser son cousin Louis Napoléon en 1836, mais les fiançailles furent rompues à la suite de l’échec du coup de force de Strasbourg.

Mariée en 1840 au prince russe Anatoli Demidoff de San Donato, elle s’en sépara en 1845 et s’installa à Paris.

Elle y tint un salon renommé et fréquenté par l’élite intellectuelle et artistique du Second Empire.

« Ce salon est le vrai salon du XIXe siècle, avec une maîtresse de maison qui est le type parfait de la femme moderne », peut-on lire dans le journal des frères Goncourt qui en étaient les hôtes assidus.

En effet, la princesse accueillit au 24 rue de Courcelles tout ce qui comptait à l’époque dans l’univers des lettres et des arts.

Elle organisait des dîners d’hommes de lettres le mercredi, et l’on pouvait alors rencontrer chez elle des écrivains comme Sainte-Beuve, Ernest Renan, Émile Littré, Guy de Maupassant, Gustave Flaubert, Théophile Gautier, Alexandre Dumas ou François Coppée.

Elle invitait également des journalistes comme Émile de Girardin, le docteur Véron, directeur du Constitutionnel, ou Villemessant, fondateur du Figaro.

Les savants n’étaient pas oubliés : Louis Pasteur, Claude Bernard ou Marcelin Berthelot faisaient partie de son cercle.

Les artistes étaient reçus à dîner le vendredi.

Pouvaient alors se côtoyer Édouard Detaille, Eugène Isabey, Gavarni, Charles et Eugène Giraud, Ernest Hébert, Paul Baudry, William Adolphe Bouguereau, Ernest Meissonier, Gustave Doré, Auguste Anastasi, Jean-Baptiste Carpeaux ou Eugène Fromentin.

En 1854, la princesse Mathilde fit l’acquisition du château de Saint-Gratien, au bord du lac d’Enghien, où elle vécut désormais six mois par an.

 

Elle y reconstituait le cercle littéraire et artistique de la rue de Courcelles.

 

La guerre de 1870 et la chute du régime impérial contraignirent la princesse à fuir la France et à se réfugier en Belgique.

 

Ses biens furent mis sous séquestre.

 

Rentrée en France, grâce à Adolphe Thiers, en juin 1871, elle s’installa rue de Berry et reprit ses réceptions d’avant la guerre avec le même éclectisme que jadis.

 

Fréquentèrent sa table, entre autres, Paul Bourget, Anatole France, Maurice Barrès, Jules Lemaître, Marcel Proust ou la comédienne Réjane.

 

Plus favorisé que le salon de la marquise de Rambouillet auquel on le comparait souvent, le salon de la princesse Mathilde ne devait pas connaître le déclin et elle mérita jusqu’à sa mort le surnom flatteur de « Notre-Dame des Arts ».

 

Le peintre Sébastien-Charles Giraud (1819-1892) réalisa pour la princesse Mathilde plusieurs toiles représentant des vues intérieures de son hôtel du 24 rue de Courcelles, à Paris.

 

Aujourd’hui détruit, cet hôtel avait été concédé par l’empereur Napoléon III à sa cousine en 1852.

 

Elle en fit rapidement le centre d’un salon brillant.

 

Le décor de toutes les pièces nous est connu, non seulement par les peintures de Charles Giraud, mais aussi par un reportage paru dans L’Illustration, où le dessin très précis du peintre Auguste Anastasi a très fidèlement reproduit les lieux un soir de réception.

L’artiste a représenté ici le grand salon de la rotonde, au décor et à l’ameublement tout à fait typiques de l’époque.

 

À l’harmonie chaleureuse de la pièce – où le rouge et le vert des tentures contrastent avec les murs blanc et or – répond l’éclectisme du mobilier : des copies de fauteuils Louis XV tendus de damas cramoisi voisinent avec des sièges résolument modernes, comme le confident à deux places, à droite, devant le paravent chinois.

 

À gauche, le piano ouvert rappelle que ce salon est aussi le théâtre de soirées musicales.

 

La princesse Mathilde est assise sur un canapé, près d’une table ronde au-dessus de laquelle se penche Horace de Viel-Castel, conservateur du musée des Souverains et familier des lieux.

 

À l’arrière-plan à gauche, Madame de Fly, lectrice de la princesse, est occupée à un ouvrage de broderie. Les autres personnages figurés sur la toile ne sont pas identifiables.

 

Source : histoire-image.org / Auteur : Alain GALOIN

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