CORSE : NOUS VOLE-T-ON NOTRE AVENIR ?
CORSE : NOUS VOLE-T-ON NOTRE AVENIR ?
 
 
Derrière cette question d’apparence philosophique se cache une vérité et un problème bien plus sournois.
 
À travers cet article, qui essayera de revêtir les allures d’un pamphlet argumenté, A Strada Diritta dénoncera et proposera une alternative à un des processus les plus vicieux qui existe en Corse.
 
Il s’agit ici d’un processus de long terme qui cumule hausse du coût de la vie en Corse, hausse du coût de l’immobilier, la précarisation et la soumission d’une économie locale au dogme de la tertiarisation et du tourisme de masse comme seule voie de « développement » possible, la fermeture de filières entières à l’université de Corte… bref, une véritable « fughjita di i cerbelli »orchestrée et organisée par des politiques macro-structurelles de l’État français.
 
Finalement, plein de noms pour désigner un seul et même phénomène qui sera développé et précisé dans les lignes qui suivent : le remplacement progressif de la population insulaire par une nouvelle génération de la colonisation de peuplement.
 
Face à cette problématique, A Strada Diritta effectuera plusieurs séances pour cerner véritablement le sujet dans son ensemble, dans ses diverses branches, mais cet article traitera des jeunes corses obligés de partir étudier, travailler puis rester vivre ailleurs qu’en Corse contre leur gré, avec une situation économique défavorable pour leur retour.
 
Autrement dit, « nous vole-t-on notre avenir ? ».
 
Pour répondre à cette question l’article dressera des constats empiriques, des prises de positions idéologiques, et surtout, proposera une alternative, à savoir : Pour une corsisation des emplois.
 
Aujourd’hui, la société vend un modèle de vie, d’épanouissement qui se réalise par la consommation et l’accroissement du patrimoine économique.
 
Dans cette hypothèse, les média et les entreprises adressent ce message du « self-made-man » à une jeunesse qu’ils croient, qu’ils espèrent uniformisée et qui tend à l’être, grâce à la promotion d’une culture mondialiste, cosmopolite.
 
Or cette jeunesse, ne l’est et ne le sera jamais vraiment.
 
  Pour reprendre une notion de Pierre Bourdieu, les « habitus » de classe - produits des différences de capital économique, social, culturel - restent des caractères discriminants et définissent les frontières de différentes classes sociales.
 
Couplé à un ascenseur social en panne en France, les messages seront toujours perçus selon des prismes différents, les classes moyennes souhaitant ressembler à la classe supérieure, mais s’appauvrissant en essayant (crédits bancaires successifs, ressources familiales) par exemple.
 
Cependant, dans la « start-up nation », l’image en vogue est celle de l’individu productif, qui devient la meilleure version de soi-même.
 
Un jeune auto-entrepreneur, individualiste tel qu’il est pensé dans la sociologie de l’individualisme de Lahire.
 
Les effets pervers de cet horizon sont pluriels, et l’un des plus néfastes est la hausse des taux de dépression qui peut amener au suicide ces dernières années : de 1 à 2% au début des années 2000, la dépression touche entre 10 et 20% de la population de nos jours, la France étant le second consommateur européen de produits psychotropes.
 
Cette jeunesse rabaissée au rang de consommatrice continue des biens et des informations (via réseaux sociaux numériques, la publicité continue, les smartphones) n’est pas la jeunesse qu’A Strada Diritta souhaite pour la Corse, où une jeunesse épanouie et émancipée doit se construire, se libérer par le savoir et la connaissance.
 
La jeunesse doit cesser d’être instrumentalisée, elle doit, au contraire, influer et se servir des outils à sa dispositions pour être à l’initiative d’un changement drastique de la vision corse du futur, foncièrement pessimiste.
 
Elle doit être le terreau, avec des institutions publiques renforcées, d’un développement viable et protectionniste culturellement pour la Corse, afin de permettre une autosuffisance qui induit un principe d’autonomie.
 
Si la Corse doit être le lieu de l’avenir de la jeunesse corse, il faut encore qu’elle lui réserve un avenir décent, viable.
 
Or nous pouvons constater des problèmes dans l’offre et la demande d’emplois dans l’île.
 
La structure socioéconomique de l’ile fait en sorte qu’un phénomène de « fughjita di i cerbelli » (fuite des cerveaux) se développe : les qualifications ne permettent pas aux diplômes de trouver un emploi à leur niveau de rémunération, du fait de la faible offre et de la faible diversité des possibilités professionnelles.
 
L’Université de Corse a la capacité d’arriver à orienter la jeunesse, via ses offres de formations, vers un avenir, un horizon professionnel.
 
Cependant la diversité relative des formations proposées est parlante.
 
En 2016-2017, il y avait 4069 étudiants à l’université de Corte, dont 74% en licence et, parmi ceux-ci, ¼ dans les sciences humaines (INSEE).
 
Cependant, malgré cette prépondérance des sciences humaines qui peut s’apparenter à un choix par défaut (très grand nombre de réorientation et de redoublement), l’offre universitaire s’est considérablement réduite.
 
Les filières de psychologie, de sociologie et de Sciences Po ont par exemple été fermées.
 
Face à cette offre réduite, nous pouvons constater par exemple le nombre important d’étudiants des filières Staps, ou Infocom.
 
De plus, ces formations ne disposent que peu de masters et débouchent donc sur des emplois étant plus sensibles d’être précaires.
 
Autre constat, l’université de Corte, même en privilégiant des filières d’activité saisonnière (vente, marketing, activités sportives, animations…), n’arrive pas à attirer et insérer efficacement les jeunes étudiants dans le monde professionnel, avec un taux de diplômés de l’enseignement supérieur de 22.3 % (chez la population de plus de 15 ans en 2014 en Corse), soit 5 % de moins que la moyenne nationale, et un taux de chômage chez les 15-24 ans de 28.2 % (2016).
 
Si les études doivent aboutir à une entrée dans le monde professionnel, elles ne doivent pas se résumer à un simple processus d’insertion professionnelle, mais comprendre aussi une logique d’épanouissement et d’émancipation intellectuelle.
 
Or, l’Université de Corse semble adapter son panel de formation en épousant parfaitement les logiques d’une économie saisonnière, tertiaire et soumis quasi-exclusivement au besoin des entreprises.
 
Cependant elle doit servir à impulser, et non subir, un développement économique insulaire.
 
Comment se fait-il que les techniques du marketing, de la vente, du commerce soient à ce point privilégiées ?
 
Un objectif d’insertion professionnel ?
 
Sans doute.
 
Une soumission au seul modèle de développement économique proposé pour la corse, le tourisme de masse et de consommation.
 
Évidemment.
 
Pourquoi ne pas développer des études spécialisées qui permettraient aux lycées agricoles de proposer de meilleures formations, dans une île où le secteur primaire et artisans est encore important, et où le besoin d’autonomie se fait ressentir ?
 
Comment se fait-il que la Corse, une des meilleures régions métropolitaines en matière de production hydroélectrique, ne développe pas une diversification des formations dans le domaine de l’ingénierie biologique ou que la CdC n’impulse pas une structure qui permettrait de leur offrir des débouchés ?
 
Nous vivons sur une île où moins d’1% des retombées hydrauliques naturelles (Ex : pluies) sont captées et exploitées (barrage, captage).

N’aurions-nous pas besoin de ces ingénieurs ?

La politique universitaire actuelle ne fonctionne pas.
 
En effet, Il est temps d’arrêter de se soumettre à une économie qui n’est pas favorable à une développement durable économiques, à une politique de décroissance et de dé-consommation plus favorable à la véritable nature de l’île.
 
La Corse a la plus faible densité de population (Chiffre INSEE 2015) au km2 de toutes les îles méditerranéennes, et elle presque 3 fois moins densément peuplée que le continent français (38 habitant/km2 vs 105).
 
Cependant, cela ne veut pas dire qu’il y ait de la place pour des centaines de milliers de personnes non plus.
 
En effet, elle comporte un Parc Naturel qui compose 43% du territoire insulaire, du plus grand parc naturel marin de métropole, de 7 réserves naturelles dont une classé au patrimoine mondial de l’Unesco (Scandola).
 
La particularité d’une ressource naturelle précieuse, fragile et très présente sur le territoire nous impose de la protéger.
 
Et d’avoir un modèle économique qui nous permet de la faire.
 
Depuis 2010, il y a en moyenne 1.1 % de population supplémentaire chaque année (environ 3500 habitants supplémentaires par an) sachant que le solde naturel (taux d’accroissement naturel de la population) est négatif depuis 2013.
 
Nous pouvons constater une migration extrêmement forte, relativement à la population de l’île.
 
Celle-ci provient principalement du reste du territoire métropolitain.
 
Si elle comptait principalement des personnes âgées, proches de la retraite, il y a quelques décennies, aujourd’hui les migrations concerne aussi une population jeune, le plus souvent dans une situation précaire, cherchant un Eldorado dans l’île.
 
Aucune de ces deux migrations n’est acceptable pour l’avenir de la Corse.
 
La première, concernant des personnes plus âgées ou retraitées, est la composante principale, malgré elle ou non, du phénomène de spéculation immobilière et du marché des résidences secondaires dans l’île.
 
Ces personnes disposent d’un patrimoine plus important en moyenne que la population insulaire (différence de salaire entre Corse et continent, PIB par Habitant), et cherchent à pouvoir passer des jours tranquilles sur l’île réputée pour son bon vivre, sa beauté, et ce uniquement une partie de l’année.
 
Non seulement ils contribuent par leur achat, avec un patrimoine plus important, à augmenter le prix du foncier sur l’île mais ils ne vivent et donc dépensent sur l’ile qu’une seule partie de l’année, les taxes et dépenses ne profitent pas à l’ile, en comparant avec le cout qu’ils représentent (spéculation, routes pour connecter les quartiers abandonnés de résidence secondaire, installations électriques et hydrauliques nécessaire).
 
Dans une île où plus d’un tiers des résidences sont des résidences secondaires, cette situation est intolérable.
 
De plus, l’arrivée d’une population en situation précaire contribue encore plus à niveler par le bas les salaires insulaires, car, déjà que le chômage touchait 9.4 % de la population active fin 2017, une plus forte demande d’emplois dans la région la plus précarisée de métropole (situation de pauvreté qui touche 20% de la population), accroit la concurrence et incite les employeurs à recruter au black, ou à recruter via des contrats à temps partiel.
 
Les emplois proposés se précarisent donc.
 
Il est inacceptable des rester passif avec une situation défavorable au peuple corse avec le temps qui joue contre nous.
 
Il est nécessaire de faire en sorte que le peuple qui a ses racines dans l’île puisse avoir le choix, et ne pas être obligé de quitter l’ile, à cause d’une offre d’emploi trop réduite, de salaire faible, d’un cout de la vie et du foncier qui augmente, ou d’une formation qui ne permet pas d’avoir un emploi stable et durable sur l’ile.
 
De plus, la Corse dispose d’un patrimoine naturel exceptionnel et se doit de le préserver, tel que les corses l’ont fait pendant des millénaires.
 
La survie du peuple corse doit se construire avec la survie de l’île.
 
Si l’un meurt, l’autre mourra avec lui.
 
C’est pourquoi, afin de s’opposer à cet horizon unique d’un développement impossible de la Corse, A Strada Diritta dénonce les politiques actuelles qui sont menées et qui organisent l’exil sans retours des jeunes corses qui trouvent une bien meilleure situation ailleurs et ne peuvent donc plus enrichir la Corse de leur qualification et de leur travail sans sacrifier leur situation.
 
A Strada Diritta souhaite que tous les corses puissent avoir le choix de partir ou non, mais d’aboutir à une situation égale, si ce n’est meilleure, en restant en Corse grâce à une offre professionnelle durable et variée, un coût de la vie équitable et en lien avec les salaires insulaires, un prix du foncier qui permette à chaque ménage corse, en ayant accès à du travail non précaire, de devenir propriétaire de son lieu de résidence, et de vivre décemment sans porter atteinte au patrimoine naturel de l’île, qui offre depuis des millénaires un foyer si accueillant pour ses habitants.
 
C’est pourquoi A Strada Diritta propose : de revoir le pouvoir discrétionnaire de l’administration quant aux mutations Corse-continent et à la nomination de ses membres.
 
La situation actuelle permet par exemple à n’importe quel professeur ayant exercé sa vie sur le continent de prendre la place d’un jeune professeur titulaire corse, et de l’obliger à quitter l’île.
 
Ainsi, nous proposons la mise en place d’un plan applicable à la Corse comprenant une différenciation du territoire insulaire du reste du territoire métropolitain, avec :
 
- La prise en compte du facteur insulaire qui implique des couts supérieurs quant aux transports insulaires (prix du carburant, automobile requise, transports en commun sous-développés) et en liaison avec le continent (prix d’avion et de bateau bien supérieur à leurs homologues continentaux malgré une distance égale et le tarif résident) ;
 
- Une différenciation législative et statutaire qui permette à la Corse d’instaurer un statut de résident pour endiguer la spéculation immobilière.
Ce statut peut néanmoins être aménagé pour les fonctionnaires continentaux mutés en Corse ou autre individu participant directement et activement à l’économie insulaire ;
 
- De créer, dans la même logique, un statut particulier des fonctionnaires qui évite des mutations lointaines injustifiées et arbitraires, mais plutôt internes à la Corse.
Par exemple, la nationalisation d’une société maritime Corse de type EPIC (Établissement public à caractère industriel et commercial) où la CdC en aurait la propriété.
Par la même, instaurer un système de quotas au sein des services administratifs permettant aux corses d’être représentés dans les services qui agissent sur l’île, de participer à l’économie insulaire, de débloquer des débouchés professionnels plus importants sur l’île.
Par la même, ce système permettra d’éviter que se réitère la situation ayant eu lieue en mars dernier lors de la venue du Secrétaire d'État Olivier Dussopt au Centre des Finances Publiques d'Ajaccio, lorsque le directeur du centre a présenté à ce dernier "les fonctionnaires en distinguant les agents corses de ceux qui ne l'étaient pas" et a dit, entre autres, "Soyez assuré, Monsieur le Ministre, que dans le cadre du contrôle fiscal, nous ne ciblons que les Corses, pas les étrangers, ni les continentaux" ;
 
- Enfin, la reconnaissance d’une particularité culturelle et linguistique spécifiant d’une manière particulière d’appréhender la pédagogie et l’enseignement au sein d’un système éducatif bilingue en Corse (avec habilitation des instituteurs et professeurs par l’Università di Corsica pour enseigner localement).
 
Face à la déliquescence des patrimoines naturel et culturel corse, A Strada Diritta estime qu’il est nécessaire d’agir vite avec des mesures concrètes, une adaptation législative que l’État français s’obstine à refuser.
 
La reconnaissance du peuple corse et de son droit à défendre son île face aux dangers du XXIème siècle est un combat obligatoire pour la jeunesse et la population qui sont attachées à cette terre.
 
Ces dangers sont politiques, économiques, culturels mais aussi environnementaux, et c’est pourquoi il n’y a plus de droit à l’erreur dans le choix de développement que nous voulons mener en Corse.
 
A Strada Diritta rappelle, à travers cet article, que le combat pour la Corse a lieu maintenant et, face au nihilisme et au consumérisme qui semble caractériser cette génération, il est plus que jamais le temps de s’émanciper et de se libérer par le savoir.
 
A.S.D
« Sapè hè libertà »
 
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