L'AUTONOMISME CORSE DANS L'ENTRE-DEUX-GUERRES : A MUVRA
L'AUTONOMISME CORSE DANS L'ENTRE-DEUX-GUERRES : A MUVRA

I SUMERI UN LEGHIENU MICA A MUVRA. « Les ânes ne lisent pas le Mouflon »

 

Pas plus en Corse que, par exemple, en Alsace ou en Bretagne, les revendications régionalistes ou plus franchement autonomistes ne datent d’hier.

A Muvra. Bulletin régionaliste de l’île de Corse naquit en mai 1920, à Paris, où son fondateur Petru Rocca était arrivé vers 1910 et où, ancien soldat exemplaire, il s’était réinstallé après la fin de la Grande Guerre.

Du groupe rassemblé autour du journal, dont le siège fut rapidement transféré à Ajaccio, devait naître en 1923 un parti politique, le Partitu Corsu d’Azione, lequel devint, en 1927, le Partitu Corsu Autonomista.

Bien que prétendant se démarquer ainsi clairement du séparatisme, A Muvra et les « muvristes » non seulement n’échapperont pas à ce premier soupçon, mais ils vont encore susciter une autre accusation, celle d’irrédentisme.

Né après 1870, ce mouvement politique italien avait d’abord réclamé l’annexion au royaume d’Italie des terres encore soumises à la domination autrichienne, puis, plus largement, de toutes les terres jadis ou naguère « italiennes ».

Insatisfait des résultats obtenus à l’issue de la Première Guerre mondiale, le mouvement connut un nouvel essor et favorisa l’avènement du fascisme.

Vainqueur, ce dernier en reprit les revendications, désormais dirigées essentiellement contre la France (Nice, Savoie, Corse et Tunisie).

A Muvra (« Le Mouflon »).

 
Le mouflon est symbole d’invulnérabilité et de liberté ; il est aussi un habitant des montagnes, comme le fut pendant longtemps l’écrasante majorité des Corses. Campé sur ses rochers, il voit les choses de haut, au propre comme au figuré : les collaborateurs de A Muvra, les « muvristes », seront, sauf exception, des gens d’un bon niveau intellectuel.

A Muvra. Bulletin régionaliste de l’île de Corse

A Muvra consacre la une de son numéro du 18 juillet 1926 à la commémoration à Morosaglia (Merusaglia), le 14 juillet, tant du centenaire de Pascal Paoli que de l’anniversaire de son élection comme « Général de la Nation corse » (le 14 juillet 1755).

Comme les autres manifestations « muvristes », cette commémoration mêlait cérémonies religieuses, discours politiques et déclamations poétiques, sans oublier un banquet.

Poésie et autres morceaux culturels (notamment historiques) ne sont d’ailleurs pas absents du journal, qui fait aussi, dans un tout autre registre, un large usage de la poésie satirique dans ses pages politiques.

La commémoration de Morosaglia.
 

La commémoration de Morosaglia prend place dans une période de grande activité du journal et des « muvristes ».

Comme en témoigne un rapport du préfet de Corse au ministre de l’Intérieur du 23 août 1924, A Muvra tire alors à 1 200 exemplaires et, surtout, compte près d’un millier d’abonnés.

L’année précédente, le 3 août 1925, les « muvristes » ont pu inaugurer la croix de Pontenuovo, monument érigé à la mémoire des Corses tombés dans la bataille (mai 1769) fatale à l’indépendance corse.

La manifestation avait attiré 800 personnes environ selon le commissaire spécial adjoint Terramorsi, 2 000 d’après les comptes-rendus de presse favorables : on peut donc estimer qu’en fait elle avait réuni de 1 000 à 1 500 participants.

La commémoration de 1926 en rassembla très probablement un nombre égal ou supérieur.

Cependant, journal et mouvement déclinèrent dès la fin des années 1920.

En octobre 1933, un rapport du commissaire spécial d’Ajaccio au préfet donne pour A Muvra un tirage réduit à 200 exemplaires, auxquels il faut adjoindre un tirage équivalent pour Le Peuple corse. Organe du Corsisme intégral, journal lancé en mai 1932 et rédigé presque entièrement en français, à l’inverse de A Muvra.

Le début du conflit leur porta un coup fatal, A Muvra étant interdit en septembre 1939.

Source : Alain VENTURINI. histoire-image.org

Photo :  Ange Tomasi (Corte, 1883-Ajaccio, 1950), parue dans l’Almanaccu di A Muvra per 1927.

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