YVAN CHOUPIK PEINTRE RUSSE EN CORSE.

Au début des années vingt, un ukrainien, Ivan Choupik, réfugié en Corse après la Révolution russe de 1917 et la guerre civile qui s’en suivit, a été engagé par le Conseil de Fabrique de la paroisse de Cugugnana du village de Letia, pour décorer l’église San Roccu. Ce peintre excellait dans l’exercice de son art, ses fresques sont inspirées des œuvres des maîtres baroques du XVIIe siècle. On doit plus particulièrement signaler une fresque, d’un extraordinaire réalisme, représentant la Cène, peinte au dessus du maître autel, ainsi qu’une descente de croix, dans le chœur, inspirée de Rubens mais reproduite avec des teintes plus sombres. On note une représentation divine qui trône, en gloire, à hauteur du transept séparant le chœur de la nef centrale. Choupik s’est appliqué à décorer l’ensemble de la nef, les voûtes latérales, leurs piliers, ainsi que les corniches et l’ensemble des parois de San Roccu. Choupik a œuvré dans d’autres églises de Corse, notamment à Rosazia, ou il a réalisé une réplique de l’Assomption de Murillo. A Saint Roch, l’Assomption qu’il a peinte à gauche du chœur, s’inspire seulement de Murillo. Né en 1898 dans le village ukrainien de Prokovskoïe, dans le district de Zaporog, Ivan Choupik appartenait à un détachement de l’armée blanche du général Wrangel qui affrontait, depuis le début de la révolution de 1917, les troupes bolcheviques de Trotski. Après la défaite du général Wrangel, en 1921, Choupik sera embarqué avec de nombreux autres militaires et civils sur le vapeur français, le Rion. Affrété par les autorités françaises, ce transport de troupes évacua une grande partie de l’armée de Wrangel de Crimée en Turquie occupée depuis la fin de la première guerre mondiale par les alliés. Le bateau qui avait quitté Gallipoli le 24 avril 1921 était attendu à Toulon le 10 mai, après une escale en Tunisie. Une grave avarie le contraignit à faire escale à Ajaccio, le 14 mai 1921, avec 3700 personnes à bord. En 1924, la majorité des réfugiés avaient quitté l’île. Moins de trois cents, dont Ivan Choupik demeurèrent en Corse. Choupik fût notamment engagé à Letia, avec une dizaine de ses compatriotes, comme journalier, par Minighella Arrighi, dite Paiona. Il a ainsi été employé avec une dizaine de compagnons d’exil par cette dernière, à l’entretien des vignes et des oliveraies à Villa, Cagafeccia et Cargèse. Le souvenir de Paiona, montant en amazone sa jument blanche, à la tête du groupe d’ouvriers russes qu’elle dirigeait avec fermeté, est demeuré vivace à Letia. Ces ouvriers se réunissaient régulièrement dans le café de la Murella, tenu par Jean Arrighi, dit Ghjuvani di Rosa. Ils étaient célibataires et festoyaient, en appréciant les alcools locaux qu’ils découvraient dans cet établissement où ils dansaient et chantaient régulièrement leurs airs traditionnels. La monnaie tsariste, dont ils n’étaient pas démunis, n’ayant plus cours et donc de valeur, ils en faisaient cadeau aux enfants de Cugugnana qui ont longtemps conservé le souvenir de billets de grande taille que les émigrés russes distribuaient libéralement, devant le café de la Murella. Minighella Paiona discerna rapidement les talents de peintre de Choupik et le sollicita pour exécuter divers tableaux. On trouve également de ses peintures dans d’autres maisons du village. Sollicité par le Conseil de Fabrique pour décorer l’église de San Roccu Ivan Choupik réalisa cette tâche en professionnel accompli. Le prêtre Bartulumeu Arrighi, originaire de Cugugnana, était à cette époque desservant des paroisses de Ciamannaccia et Palneca. Il demanda à Choupik de décorer l’église de Palneca, celui-ci reproduisit à l’identique la cène dans l’église de Palneca. Séjournant à la fin des années vingt à Ajaccio, il faisait partie du groupe de peintres de « l’Ecole d’Ajaccio » fondée en 1911 par Bassoul, lui-même artiste peintre et propriétaire d’une galerie de peinture. Les peintres Canavaggio, Léon-charles Cannicioni, Lucien Peri, Corbellini, Capponi et Bassoul, parmi les plus connus, ont fait la renommée de « l’Ecole d’Ajaccio » à laquelle Choupik appartenait.

Texte de messieurs : Martin Arrighi et D. Rossi Doc et photo : Kalinka Machja. Photo : Église d'Appieto.

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